Le village de Prunières s’est développé autour d’un prieuré bénédictin du XIIe siècle fondé par les moines de l’abbaye de La Chaise-Dieu (en Velay, actuellement département de la Haute-Loire), sur les terres de la baronnie d’Apcher dont le château principal est tout proche à l’ouest. Il fut l’objet d’une donation de Garin IV d’Apcher en 1296. De ce prieuré, qui bénéficie largement des donations des barons, seule l’église en subsiste, les dépendances, qui devaient se trouver derrière celle-ci au nord, ont totalement disparu. Mais l’origine du sanctuaire de Prunières peut remonter à l’époque mérovingienne et à ce goût souvent évoqué du culte des saints orientaux comme Saint-Blaise (l’église était jadis sous ce vocable). 

Lors des travaux de déplacement du cimetière de la paroisse qui se trouvait devant l’église (il a été démoli dans les années 90 et réimplanté à plusieurs centaines de mètres du village) des sarcophages mérovingiens ont été dégagés, visibles contre le mur sud de l’église. D’autres sarcophages ont servi de cercueils aux personnages enterrés dans le « choeur » (selon certaines archives, en fait au centre de l’édifice, il s’agit des corps de prêtres, barons d’Apcher et seigneurs de la Valette), le dernier en date a été découvert lors de la réhabilitation du choeur.

Eglise et cimetière de Prunières en 1900-1930
Carte postale N/B 9×14 cm – (1900-1930)
Fonds Tardos Velay – Archives départementales de Lozère

L’église, passée ensuite sous le vocable de Saint-Caprais de Lérins (second abbé de Lérins, mort en 430, fut le fondateur de la vie cénobitique dans les îles de Lérins, il est fêté le 1er juin), est un des édifices cultuels les plus remarquables de Lozère, classée Monument Historique en 1953, et peut-être remaniée au XIIIe, en témoignent les départs de branches d’ogives dans l’abside.

On date généralement l’édifice de la fin du XIe. Établi auprès de la voie, il avait une vocation d’accueil des pèlerins et des passants, amplifiée au XIIe par le développement des pèlerinages comme celui de Compostelle. Prunières était, avec Sainte-Enimie et La Canourgue, l’un des sanctuaires du Gévaudan dont on portait solennellement les reliques à Mende, tous les sept ans. Cette coutume honorée durant tout le Moyen Âge prouve son importance. 

Elle comporte des éléments de défense : arceaux de mâchicoulis, contreforts, puissance de la construction, et pouvait ainsi servir de refuge en cas d’attaque car ici pas de place forte ou de château où se réfugier. D’autant qu’un puits intérieur pouvait fournir l’eau nécessaire en cas de retraite forcée de la population. Il se trouve derrière la porte de la sacristie à droite de l’autel, dans l’abside. Mais son eau a surtout une réputation de vertus guérisseuses, Saint-Caprais est souvent invoqué en France contre les maladies nerveuses et rhumatisantes.

Sa façade a conservé ses décors architecturaux, exemple unique dans nos contrées, caractéristique de l’art monumental roman. Ces décors ne sont pas plaqués mais font corps avec elle : arcades aveugles en plein cintre, au-dessus baie romane à arc en plein cintre et colonnettes, arcades aveugles. Le portail est très épais et profond, à trois voussures, colonnettes romanes à chapiteaux et tailloirs sculptés, il comportait un système défensif. La façade est surmontée par un campanile trapu, à trois baies en plein cintre sous arcades décoratives. Les baies inférieures aux arcades décorées de colonnettes romanes, sont surmontées d’une troisième baie plus petite, qu’encadre une armature nue.

Façade de l'Eglise de Prunières
Façade de l’Eglise de Prunières
© Alexandre Baudet Specque

D’une exceptionnelle qualité elle reproduit le plan typique des églises romanes du Gévaudan : nef unique, quatre travées, un choeur à travée droite et abside pentagonale, le tout en solide granit de Margeride (les Monts de Margeride constituent le plus grand massif granitique d’Europe). La nef est voûtée en berceau brisé.

Plan de l’église
© François Labèque Larnaudie / D’après André Philippe – Gravure, 21×35,5 cm
Archives départementales de Lozère

A l’intérieur on découvre les éléments classiques du style roman: colonnes, chapiteaux, moulures et pilastres. Le chœur est marqué par un arc triomphal qui fait une forte saillie et retombe sur de doubles pilastres. La travée du chœur est elle aussi éclairée par une baie au sud que souligne un arc mural en plein cintre. Un autre arc mural lui fait pendant au nord. La travée est séparée de l’abside par un doubleau qui retombe au nord sur un pilastre surmontant des colonnes jumelles. Ces colonnes portées par un soubassement élevé supportent de puissants chapiteaux jumelés dont les corbeilles sont sculptées (sur l’une d’entre elles on voit des volutes et entrelacs); les tailloirs sont eux aussi sculptés. Une porte, seule ouverture dans le mur nord, devait permettre l’accès direct des moines depuis leurs dépendances voisines. 

Fresques du cul de four de l'abside
Fresques du cul de four de l’abside
© Alexandre Baudet Specque

La disposition actuelle du chœur, divisé par un mur contre lequel s’appuie un grand autel baroque (retable), gêne pour apprécier l’architecture romane de ce sanctuaire. On notera pourtant que le maître d’œuvre a particulièrement soigné la partie nord, notamment dans la retombée du doubleau séparatif de la travée du chœur, avec les colonnes jumelées supportant le pilastre, et dans le traitement de la baie adjacente. Tous ces éléments sont aujourd’hui blanchis.

Retable de Saint Caprais
Retable de Saint Caprais
© Alexandre Baudet Specque

Le cul-de-four de l’abside est orné de peintures murales de la même époque que l’autel et qui recouvrent peut-être des couches antérieures médiévales. Les représentations sont nombreuses, Saint Jean, Saint Luc, Saint Matthieu, Saint Marc, Saint Esprit, Christ en majesté avec orbe crucigère, Anges, …

Les évangélistes Jean et Matthieu
© Alexandre Baudet Specque
Les évangélistes Marc et Luc
© Alexandre Baudet Specque
Saint Esprit
Saint Esprit
© Alexandre Baudet Specque

L’église est ouverte de 10h à 18h le samedi et le dimanche.

Sources

TREMOLET DE VILLERS, Anne, Églises romanes oubliées du Gévaudan, Les Presses du Languedoc, 1998, ISBN 9782859981884 – p. 43, p.49, p. 138-141